Acheter des terres à l’étranger : où investir, comment sécuriser son projet

Acheter des terres hors de France peut servir plusieurs objectifs : diversification patrimoniale, usage agricole ou loisir, préparation de la retraite et transmission. Pour réussir, il faut éviter les pièges liés au cadre légal local, à la fiscalité, aux titres de propriété, au risque politique/climatique et au financement en devise. Ce guide explique où acheter (pays accessibles/rentables), ce qu’il faut vérifier (droits des étrangers, qualité du foncier, coûts réels, taxes) et comment procéder (due diligence, contrats, signatures, enregistrement, fiscalité France/locale). Repère utile : en 2023, le prix moyen de la terre arable en UE avoisinait 11 791 €/ha, avec un écart extrême entre la Croatie (~4 491 €/ha) et Malte (~283 039 €/ha).

Pourquoi acheter des terres à l’étranger ?

Intérêts patrimoniaux

Un foncier bien choisi présente une corrélation faible avec les actifs financiers, offre une couverture contre l’inflation et certaines devises, et peut générer à la fois plus-value (pression urbaine/touristique) et rendement d’exploitation (agriculture, forêt, éco-tourisme). Les effets de localisation comptent : proximité des marchés, de ports ou hubs logistiques réduit les coûts d’acheminement et l’empreinte opérationnelle. Chez Parcelle à Vendre, nous avons vu des projets réussir grâce à un simple atout : un accès poids lourd praticable toute l’année.

Risques et limites

Le foncier n’est pas sans aléas.

  • Risque juridique : restrictions aux étrangers, cadastre incomplet, servitudes non publiées.
  • Risque politique : changements soudains de loi foncière.
  • Risque climatique : stress hydrique, incendies, érosion.
  • Risque opérationnel : accès réel, clôtures, eau, raccordements.

À prévoir aussi des coûts cachés : études, traductions assermentées, assurances, clôtures/pistes, autorisations environnementales, taxes locales.

Comment choisir le pays/la région ? Les 5 filtres décisifs

Cadre légal & droits des étrangers

Vérifier si la propriété directe est possible ou si un mécanisme est requis : trust, fideicomiso (Mexique), baux emphytéotiques, structures locales. Certaines législations limitent par type de terrain (agricole, forestier, constructible, zones côtières/frontières), fixent des plafonds de surface, interdisent les zones militaires ou imposent des autorisations.

Stabilité et sécurité juridique

Apprécier la stabilité macro, l’indépendance des tribunaux, la fiabilité du registre foncier (publicité foncière), les délais d’enregistrement et les exigences KYC (Know Your Customer, procédure de connaissance client) pour l’origine des fonds.

Ressources naturelles & infrastructures

Analyser le sol (texture, pente, portance), l’eau (nappe, droits d’eau), le climat (pluie/sécheresse), l’accès (piste/routier), l’énergie/4G/électricité, et la distance au marché. Nous avons vu des dossiers où un simple relevé piézométrique a évité une mauvaise surprise sur la ressource en eau.

Coûts, fiscalité & devise

Comparer frais d’acquisition (notaire/registre/droits), taxes foncières, plus-values et succession. Côté financement : hypothèque locale vs. emprunt en France ; risque de change ; transfert des fonds avec preuve d’origine.

Durabilité & responsabilité

Contrôler le zoning, la présence d’aires protégées, les autorisations environnementales et l’impact sur les communautés locales. Des certifications (forêt, éco-tourisme) peuvent valoriser le bien et faciliter les autorisations.

Repères 2023 – prix et loyers en Union européenne

Indicateur Ordre de grandeur Exemples régionaux (illustratifs)
Prix moyen terre arable (€/ha) 11 791 €/ha (UE) Nord Espagne sec : 7 000–10 000 €/ha • Est Roumanie : 5 000–8 000 €/ha • Vallées irriguées Portugal : 12 000–18 000 €/ha
Pays le moins/plus cher Plus bas : Croatie ~4 491 €/ha • Plus élevé : Malte ~283 039 €/ha Écarts liés à la rareté, l’urbanisation, l’eau et la pression touristique
Loyers agricoles moyens (€/ha) 173 €/ha (UE), pics Pays-Bas ~914 €/ha Plaines céréalières : 100–200 €/ha • Zones irriguées prime : 300–500 €/ha

Ces repères cadrent les attentes : les prix varient fortement selon l’eau, l’accès, la qualité des titres et l’usage autorisé.

Où acheter ? Panorama synthétique par zones 

Europe : cadre solide & données disponibles

Espagne : propriété en pleine titularité possible pour étrangers. Démarches clés : NIE (numéro d’identification), acte notarié, inscription au Registro de la Propiedad.

Frais d’acquisition : ITP (ancien) ou IVA (neuf), honoraires notaire, registre.

Délai d’inscription : quelques semaines en général. Toujours demander une nota simple avant l’achat.

Portugal : accès ouvert aux étrangers (terrain et immeuble).

Processus sécurisé : obtention du NIF, compte bancaire local, notaire/solicitador, registo predial.

Les schémas de “golden visa” ont évolué et ne sont pas requis pour acheter un terrain.

Europe de l’Est (Bulgarie, Croatie, Roumanie) : prix souvent plus bas pour terres agricoles/forestières ; vigilance accrue sur la qualité des titres, le morcellement, les chemins d’accès et les pratiques locales (servitudes d’irrigation, droits de passage).

Pays nécessitant un montage spécifique ou très encadrés

Mexique (zones restreintes) : en zone côtière (50 km) et frontière (100 km), recours au fideicomiso : banque détentrice du titre, étranger bénéficiaire (usage/vente/transmission). Hors zone restreinte, acquisition possible via cláusula Calvo/renonciation, selon les cas.

Thaïlande : propriété foncière directe en principe interdite aux étrangers (exceptions ciblées).

Voies usuelles : bail long terme (leasehold), condominium (quota étranger ≤49 %), ou schémas d’investissement sous conditions (Section 96 bis).

Turquie : acquisition ouverte avec limitations (zones militaires, seuils de surface par district).

Enregistrement au Tapu obligatoire ; vérifier urbanisme, servitudes, dettes.

Suisse (Lex Koller) : régime d’autorisation pour personnes à l’étranger ; restrictions fortes selon usage (résidence secondaire, immeubles de rendement) et canton ; prévoir procédure d’exemption/autorisation.

Cas particulier Maghreb

Maroc : interdiction d’acquérir des terres à vocation agricole pour les étrangers, sauf obtention d’une AVNA (Attestation de Vocation Non Agricole) liée à un projet non agricole.

Alternatives : baux/partenariats sur domaine privé de l’État via appels d’offres (exploitation).

En urbain/constructible : achat possible avec due diligence standard.

Combien ça coûte l’acquisition d’un terrain à l’étranger ? 

À l’acquisition

Poste Contenu Ordre de grandeur
Prix du terrain Repères UE 2023 : moyenne ≈ 11 791 €/ha (écarts très marqués selon pays et eau) 4 500–283 000 €/ha selon marché
Droits/Taxes d’achat ITP/IMT/IVA… selon pays, nature (neuf/ancien), zone 3–10 % du prix
Notaire/Registre Acte authentique, publicité foncière 0,5–2 % du prix
Traductions & interprète Assermentées, accompagnement signature 500–3 000 €
Banque & change Virements internationaux (SWIFT), spread de conversion 0,2–1,5 % + frais fixes
Assurance titre Disponible dans certains pays seulement 0,3–0,8 % du prix

 

Après l’achat

Poste récurrent Exemples Budget indicatif/an
Taxes locales Foncier, redevances eau/irrigation 0,1–1,0 % de la valeur
Assurances RC, incendie/forêt, bris d’ouvrage 300–2 000 €
Entretien & gardiennage Clôtures, pistes, débroussaillage, surveillance 20–200 €/ha
Mise en culture Plants, clôture électrique, irrigation/pompes Variable (projet-dépendant)

 

Financement & devise

Arbitrer entre prêt local et nantissement en France. Intégrer les taux locaux et le risque de change : un simple contrat à terme (forward) peut sécuriser le budget. Préparer la preuve d’origine des fonds (KYC).

Étapes légales et pratiques pour l’acquisition d’un terrain à l’étranger

 Pré-due diligence (2–4 semaines)

  • Droits des étrangers & contraintes de zonage
  • Cadastre/registre : titres, charges, hypothèques
  • Servitudes : passage/eau • Étude géotech/sol
  • Accès, eau, environnement, compatibilité urbanisme

Offre & avant-contrat

  • Offre écrite, conditions suspensives (titre clair, autorisations, financement)
  • Séquestre/escrow chez notaire/banque

Signature authentique & enregistrement

  • Acte notarié ou équivalent • Paiement sécurisé
  • Enregistrement au registre foncier • Obtention du titre mis à jour

Cas de figure spécifiques

  • Fideicomiso (Mexique) : permis SRE, choix banque, durée/renouvellement
  • Baux longue durée (Thaïlande) : durée, renouvellements, enregistrement, droits réels
  • Autorisations/AVNA (Maroc) : dossier, critères, délais

Fiscalité : ce que voit la France, ce que voit le pays

Côté France (résident fiscal français)

  • Revenus fonciers étrangers : déclaration 2042 + 2047, effets de convention fiscale (crédit d’impôt/exonération avec progressivité)
  • IFI : patrimoine immobilier mondial > 1,3 M€ ; évaluation et obligations déclaratives
  • Plus-values : régime FR ou pays source selon convention ; vigilance double imposition

Côté pays d’acquisition

  • Taxes d’achat, foncières annuelles, plus-values, succession locale
  • Obligations de lutte anti-blanchiment (KYC, justificatifs flux)

Études de cas “condensées”

Espagne – terrain rural près d’un bourg

Parcelle 5–10 ha, accès carrossable, point d’eau, < 20 km du marché local. Chemin critique : NIE → nota simple → compromis → acte notarié → Registro. Coûts : frais acte/registre + ITP/IVA. Délai d’inscription typique : 2–8 semaines.

Portugal – terrain constructible péri-urbain

NIF, compte bancaire, vérification urbanisme (PDM), certificat d’urbanisme, acte, registo predial. Points d’alerte : ruines/annexes non déclarées, servitudes non apparentes.

Mexique – parcelle “vista mar” en zone restreinte

Fideicomiso avec banque fiduciaire : frais d’ouverture/an, durée renouvelable, droits de cession, assurance titre recommandée.

Maroc – terrain agricole hors périmètre urbain

Projet agricole non acquisitif pour étranger → options : bail/partenariat domaine privé de l’État (AO), ou AVNA si projet non agricole (hébergement touristique, industriel, etc.).

Thaïlande – usage récréatif à long terme

Bail 30 ans (renouvellement), enregistrement DOL, clauses de sortie/travaux ; alternative condo (quota étranger ≤49 %).

10 erreurs à éviter pour l’achat d’un terrain à l’étranger

  • Confondre “promesse privée” et transfert réel (non inscrit)
  • Négliger restrictions aux étrangers (Maroc agri, Thaïlande freehold, Mexique zones restreintes)
  • Oublier l’enregistrement foncier (Espagne/Portugal/Turquie)
  • Sous-estimer coûts récurrents (foncier, gardiennage, clôtures, eau)
  • Ignorer le risque de change
  • Ne pas vérifier l’accès légal à la parcelle
  • Baser le projet sur une hypothèse d’urbanisation non actée
  • Signer sans interprète/traduction assermentée
  • Négliger la fiscalité FR (2047, IFI)
  • Omettre les autorisations (AVNA, permis divers)

Prioriser le cadre légal et les droits des étrangers avant de comparer les prix. Sécuriser le titre par un enregistrement rigoureux. Budgéter tous les coûts (taxes, traductions, gestion). Anticiper la fiscalité française et le risque de devise. S’entourer d’intervenants officiels (notaires/avocats locaux). Viser des actifs avec accès, eau et usage clair. Ce sont les conditions d’un investissement foncier réussi et transmissible.